
En coulisse
Voisins dérangés par le bruit : notre coq doit chanter ailleurs
par Patrick Vogt
Le chien des voisins n’arrête pas d’aboyer et vous rêvez de passer une nuit tranquille ? Le premier épisode de la nouvelle série Galaxus « Médor, Mistigri et leurs droits » vous explique comment défendre vos droits et revient sur les obligations des propriétaires de chiens.
La journée de travail se termine enfin ! Vous vous écroulez sur le canapé et vous apprêtez à profiter de quelques heures de calme. Soudain, ça recommence, le chien des voisins se met à aboyer. Ça n’en finit pas… Dire que c’était déjà pareil la nuit dernière. Vous désespérez : va-t-il se taire un jour ? Que faire ? Caroline Mulle, collaboratrice juridique à la fondation Tier im Recht, vous explique comment procéder.
Caroline Mulle, que puis-je faire lorsque le chien de mes voisins aboie toute la nuit et que ça me dérange ?
Concrètement, il est impossible d’empêcher complètement un chien d’aboyer ; c’est après tout un outil de communication important pour lui. Reste à déterminer ce qui distingue un bruit tolérable d’un bruit intolérable. En effet, seul le tapage excessif est interdit.
Quand est-ce le cas ?
Le caractère excessif est déterminé par une pesée des intérêts. On ne se base pas sur la perception subjective de la personne concernée, mais sur la perception d’un individu moyen dans la même situation. Une éventuelle aversion personnelle pour les chiens n’entrera ainsi pas en ligne de compte.
Concernant les animaux de compagnie, qu’est-ce qui est toléré ou non ?
Des aboiements ou des chants d’oiseaux occasionnels sont tolérés, mais pas les cris stridents d’un perroquet pendant des heures ou les aboiements ininterrompus d’un chien. La pesée des intérêts (c’est-à-dire la détention d’animaux face au besoin de calme et d’ordre) dépend souvent du cas par cas.
Y a-t-il un autre facteur déterminant ?
Oui, le lieu ! Quelque chose d’autorisé à la campagne sera jugé excessif en ville, comme le chant du coq le matin.
Y a-t-il des différences d’une commune ou d’une région à l’autre ?
Oui. Dans les cantons d’Argovie, de Berne et de Saint-Gall, on ne peut posséder que trois chiens adultes par foyer dans les zones d’habitation. Les quartiers résidentiels sont souvent divisés en zones de sensibilité. Pendant les heures de repos, on peut en outre exiger davantage de calme.
Par quoi commencer en cas d’aboiements de chien ?
En premier lieu, cherchez toujours à discuter avec le propriétaire de l’animal. Le dialogue permet souvent de résoudre les conflits plus simplement qu’une procédure juridique.
Quand dois-je prévenir le bailleur ?
Il est recommandé de l’impliquer le plus tôt possible : dans certaines circonstances, le bailleur peut jouer le rôle d’intermédiaire.
Puis-je demander une réduction du loyer ?
Oui. Même si le bailleur n’est pas responsable des aboiements ininterrompus, tout locataire doit pouvoir jouir pleinement de son droit d’habitation. Vous êtes en droit de demander une réduction à partir du moment où vous avez signalé les nuisances excessives au bailleur.
Que faire si je suis le propriétaire du chien qui aboie ?
Il faut d’abord comprendre pourquoi le chien aboie. Si vous vous sentez dépassé, n’hésitez pas à faire appel à des professionnels. Tournez-vous vers un cabinet vétérinaire pour animaux domestiques, un comportementaliste ou une école d’éducation canine (annuaire en allemand).
Est-ce que je risque l’expulsion de mon logement ? Puis-je exiger de mon bailleur qu’il prenne des mesures structurelles, en cas d’appartement mal insonorisé par exemple ?
En principe, tout propriétaire de chien doit veiller à ce que son animal ne gêne personne. Si les nuisances sonores sont excessives et ne se calment pas après avertissement écrit, le bailleur peut résilier le bail avec un préavis de 30 jours fin de mois.
Y a-t-il d’autres motifs de résiliation ?
La détention d’animaux malgré une interdiction inscrite dans le bail ou prononcée ultérieurement, ainsi que la détention d’animaux sans l’accord du bailleur, peuvent constituer des motifs de résiliation.
J’ai lu à plusieurs reprises qu’un sifflet pouvait calmer le chien. Recommandez-vous cette pratique ?
Non, je vous la déconseille. Cela peut être très désagréable pour le chien et l’efficacité de cette technique n’est pas prouvée. En outre, la législation sur la protection des animaux interdit l’utilisation de dispositifs qui empêchent les chiens d’émettre des sons et des bruits de douleur. Cela comprend les dispositifs anti-aboiements qui émettent un parfum, de l’eau ou de l’air comprimé. Il est aussi interdit de projeter de l’eau à l’aide d’une bouteille.
Dans quels cas dois-je m’adresser au service vétérinaire ?
Des aboiements continus peuvent suggérer que les conditions de détention ne sont pas conformes aux besoins du chien. Vous pouvez informer le service vétérinaire cantonal en cas de soupçon fondé de détention non conforme.
Est-ce que c’est payant ?
Non, la vérification étant opérée d’office, il n’y a ni frais ni obligations supplémentaires pour la personne effectuant le signalement.
Que peut faire le service vétérinaire ?
Ce service est chargé de faire respecter les règles de détention des animaux. Dans les cas graves, il est tenu d’intervenir immédiatement pour venir en aide aux animaux et rétablir à une situation conforme à la loi. À cette fin, il est aussi habilité à saisir des animaux.
Faut-il impliquer la police ?
Si vous soupçonnez une maltraitance animale, vous pouvez évidemment contacter la police. La maltraitance animale étant une infraction poursuivie d’office, la police est tenue d’enquêter. Vous pouvez aussi vous adresser à la police en cas de tapage.
Est-ce une bonne idée de tenir un journal des nuisances sonores ?
Oui, c’est tout à fait judicieux. Lors de l’évaluation du caractère excessif, le moment de la journée et l’intensité du bruit entrent également en ligne de compte.
Admettons que ces mesures ne fonctionnent pas et que le bruit continue de me déranger. Puis-je déposer plainte en dernier lieu ?
Oui. Pour engager une procédure civile, il faut d’abord déposer une demande de conciliation auprès de l’autorité de conciliation compétente du lieu de résidence du défendeur. Le but de la procédure de conciliation est de réconcilier les parties et de les dissuader d’intenter des actions non fondées ou de contester des demandes manifestement fondées.
Quelles sont les chances de réussite d’une action civile ?
Tout dépend du cas. Si le tribunal constate une nuisance sonore excessive, il ordonnera des mesures pour l’atténuer qui pourront être d’ordre architectural ou organisationnel.
Avez-vous une question qui pourrait faire l’objet d’un article de la nouvelle série « Les animaux dans la loi » ? Faites-m’en part dans les commentaires.
Photo d’en-tête : Shutterstock/ArtmannWitteJ’aime tout ce qui a quatre pattes et des racines. La lecture me permet de plonger dans les abîmes de l’être humain. Je déteste les montagnes : elles ne font que cacher la vue sur la mer. Quand j’ai besoin d’air frais, je vais le respirer au sommet d’un phare.