
En coulisse
L’hiver, ce festival du VRS et des nez qui coulent
par Tanja Restin
Les spermatozoïdes aiment l’odeur du muguet, les cheveux ne tombent pas et les plaies guérissent plus vite grâce à l’odeur du bois de santal : la recherche actuelle en sait long sur les préférences olfactives de vos organes. Découvrez à quoi servent les récepteurs olfactifs dans un corps sain et comment ils peuvent aider à diagnostiquer et à traiter certaines maladies.
Votre nez a des récepteurs olfactifs, je ne vous apprends rien. Pendant longtemps, la science a supposé que c’était le seul endroit où l’on trouvait ce type de détecteurs. Plutôt logique, car le nez est l’organe de l’odorat. Pourquoi d’autres organes auraient-ils besoin de récepteurs olfactifs ?
Or, il a été démontré que chaque cellule du corps possède des récepteurs olfactifs, que ce soit dans l’intestin, le cœur ou encore les poumons. Ils sont tout simplement partout et, pour la plupart d’entre eux, on ne sait toujours pas à quellles odeurs ils réagissent, ni même à quoi ils servent.
Mais commençons par le début : comment fonctionne l’odorat ? Lorsqu’une odeur arrive à vos narines, les molécules odorantes se fixent sur les récepteurs susmentionnés des cellules sensorielles olfactives. Ces dernières se trouvent dans la muqueuse olfactive, au niveau de la cloison nasale. Le signal est ensuite transmis au système limbique du cerveau, la zone responsable de vos émotions. C’est la raison pour laquelle les odeurs sont souvent fortement associées à des sentiments et restent longtemps gravées dans la mémoire.
Votre nez travaille en permanence. Même lorsque vous dormez, il transmet des informations au cerveau à chacune de vos respirations. Et il s’y met bien avant la naissance : il est déjà actif dans le ventre de la mère et traite tout ce que la femme enceinte sent ou mange.
Toutes les quatre semaines, les 30 millions de cellules olfactives présentes dans votre nez se renouvellent. Grâce aux cellules souches, on est assuré que ce processus se poursuivra toute la vie, même à un âge avancé.
Les senteurs naturelles ou les parfums sont toujours une composition de différentes molécules odorantes. Il existe au total quelque 350 récepteurs olfactifs différents, dont chaque type réagit à des molécules odorantes bien spécifiques. Un type de récepteur réagit par exemple à la vanilline, un autre au musc, etc. Les différents types de récepteurs permettent de couvrir l’ensemble de l’univers olfactif.
Lorsqu’une molécule odorante se fixe sur le récepteur correspondant, le signal est d’abord amplifié, puis l’information est transmise au cerveau. Dans le cerveau, les différentes informations olfactives (c’est-à-dire quelle combinaison de récepteurs a émis un signal) sont réassemblées et cette composition spécifique est reconnue et mémorisée en tant qu’odeur.
À l’heure actuelle, on connaît les réactions de seulement dix pour cent des récepteurs olfactifs. En effet, les recherches sont assez compliquées : il faut d’abord réussir à isoler le type de récepteur, puis à le reproduire en laboratoire. Il faut ensuite trouver l’odeur qui l’active. Un travail de recherche fastidieux, long et donc coûteux. Les récepteurs connus à ce jour sont, entre autres, ceux qui réagissent à la vanilline, à la violette, au citron, à la banane et au musc.
Toutes les cellules de l’organisme contiennent des récepteurs olfactifs : du foie et des poumons aux reins, en passant par la bile, l’estomac, les intestins et le cœur, bref, partout. Chaque tissu possède une combinaison toujours identique des différents types de récepteurs olfactifs, un modèle de récepteur propre à chaque tissu. Cela ne signifie pas pour autant que ces organes peuvent sentir. L’information n’est pas transmise au cerveau sous forme de signal olfactif. Pourtant, le corps réagit aux molécules odorantes.
Ils sont importants pour les processus métaboliques qui se déroulent dans le corps. Par exemple, il existe dans l’intestin plus de 20 types de récepteurs olfactifs qui analysent la nourriture que vous ingérez. On connaît par exemple des récepteurs qui réagissent spécifiquement aux épices, comme le cumin ou les clous de girofle, en déclenchant la libération de sérotonine et en augmentant ainsi l’activité intestinale. Par exemple, si vous buvez un verre de bitter, certains récepteurs présents dans votre intestin activeront votre digestion.
Les récepteurs olfactifs dans les poumons analysent quant à eux l’air respiré. Si, par exemple, les muscles autour des bronches se contractent à la suite d’une réaction allergique, les poumons ne peuvent plus se dilater suffisamment, ce qui entraîne des difficultés respiratoires. Dans cette situation, on pourrait alors tirer profit d’un certain type de récepteur (OR2AG1), qui réagit à une substance appelée butyrate d’amyle. En respirant ce parfum semblable à celui de l’abricot, la musculature se détend et les bronches se dilatent à nouveau.
Les premiers récepteurs olfactifs découverts en dehors du nez ont été trouvés dans les spermatozoïdes. Il existe 15 substances odorantes dans le tractus génital féminin qui peuvent se fixer sur les récepteurs des spermatozoïdes. Ces récepteurs contrôlent la vitesse et la direction de nage des spermatozoïdes afin qu’ils trouvent leur chemin vers l’ovule.
Votre peau contient également des récepteurs olfactifs qui sont activés par certains arômes. On y trouve plus de 20 types de récepteurs différents. Pour certains d’entre eux, la fonction et le parfum activateur ne sont pas encore connus. Pour ne pas les perturber ou les surmener, il ne faut donc jamais vaporiser de parfum directement sur la peau, mais plutôt sur les vêtements ou les cheveux.
Ce que l’on sait déjà, c’est qu’un type de récepteur réagit au bois de santal, de sorte que les cellules de la peau se divisent et plus rapidement, ce qui favorise leur renouvellement. Le bois de santal favorise donc la cicatrisation des plaies. Mais il a aussi une autre fonction : il prolonge la phase de croissance des cheveux. En d’autres termes, les cheveux ne meurent pas aussi rapidement, ce qui évite la calvitie prématurée.
Les récepteurs olfactifs jouent un rôle important non seulement dans les organes sains, mais aussi dans les tissus malades. Lorsque les cellules sont malades, on peut observer une modification du nombre de récepteurs ou l’apparition d’autres types de récepteurs. Dans de nombreux cas, les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore connus. Cela dit, ce que l’on sait jusqu’à présent à ce sujet donne l’espoir de pouvoir un jour utiliser les récepteurs olfactifs pour diagnostiquer et traiter certaines maladies.
Il a déjà été démontré, par exemple, que les cellules leucémiques se différencient en globules rouges lorsque l’on stimule des récepteurs olfactifs. Autre exemple : la prolifération des cellules cancéreuses dans le poumon, la prostate ou le côlon peut être inhibée.
Un certain type de récepteur peut également être utilisé pour diagnostiquer le cancer de la vessie : en effet, dans un corps sain, ces récepteurs olfactifs ne sont pas présents. En revanche, on les trouve extrêmement souvent dans les cellules cancéreuses de la vessie. Dans ce cas, la concentration élevée de ce type de récepteur peut être détectée dans l’urine et permet de diagnostiquer un cancer de la vessie.
Même si la recherche sur ce thème prend de l’ampleur, de nombreuses questions restent sans réponse à ce jour. On ne sait pas encore à quelles molécules odorantes réagissent la plupart des récepteurs olfactifs. Quand on pareviendra à reproduire les récepteurs en laboratoire et à identifier le parfum correspondant, cela donnera de nouvelles possibilités de diagnostiquer et de traiter des maladies.
Indications sur les sources : les informations utilisées pour cet article proviennent de l’article de synthèse « Human Olfactory Receptors : Novel Cellular Functions Outside of the Nose » et d’une conférence très intéressante du professeur Hatt, qui occupe la chaire de physiologie cellulaire à l’Université de la Ruhr à Bochum.
Photo d’en-tête : Cottonbro / pexelsRédactrice scientifique et biologiste. J'aime les animaux et je suis fascinée par les plantes, leurs capacités et tout ce que l'on peut faire avec et à partir d'elles. C'est pourquoi mon endroit préféré est toujours à l'extérieur - quelque part dans la nature, volontiers dans mon jardin sauvage.