
En coulisse
Netflix supprime-t-il le marathon des séries ?
par Luca Fontana
Les électeurs ont décidé : à l'avenir, Netflix et autres devraient soutenir la création cinématographique suisse en versant une obole. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Et pourquoi le peuple a-t-il voté pour ?
Lorsque la loi suisse sur le cinéma a été écrite il y a plus de 20 ans, Netflix envoyait encore des DVD par la poste et luttait pour sa survie. Aujourd'hui, le service de streaming californien, représentatif de l'ensemble du secteur du streaming, serait le principal responsable de la baisse d'audience des films et séries suisses.
Aujourd'hui, l'État veut intervenir, avec le soutien d'un peu plus de 58 % des électeurs suisses : les services de streaming qui génèrent un chiffre d'affaires en Suisse doivent désormais aussi participer à l'industrie cinématographique suisse. C'est ce qu'exige la dernière modification de la loi sur le cinéma, plus connue sous le nom de « Lex Netflix ». Cela comble un vide juridique qui était à peine imaginable il y a 20 ans.
La modification de la loi suisse sur le cinéma se compose essentiellement de deux points :
La Suisse veut ainsi se rapprocher de la plupart de ses voisins en comparaison internationale, même si des pays comme l'Autriche ou l'Angleterre ne connaissent pas l'obligation d'investir, comme l'écrit la Handelszeitung. En Allemagne, en revanche, la taxe sur les films est de 1,8 à 2,5 %. En Espagne, ce chiffre est de 5 %. En Italie, les services de vidéo à la demande sont même tenus d'investir au moins 20 % de leur chiffre d'affaires dans des productions européennes, en France, ce chiffre est de 26 %. Mais contrairement à la plupart des pays voisins, les services de streaming auront ici une grande liberté quant à la manière dont ils souhaitent s'acquitter de la taxe de 4 % :
La Lex Netflix n'a pas seulement des conséquences importantes pour les services de streaming, mais aussi pour les chaînes privées locales. En effet, la Confédération n'a pas seulement étendu la règle des quatre pour cent aux services de streaming et aux chaînes privées étrangères. Elle l'a également renforcé pour les chaînes privées nationales : elles ne peuvent plus compenser intégralement leurs redevances par de la publicité pour le cinéma suisse, mais seulement de manière limitée. De plus, les émissions de divertissement produites par l'entreprise, comme Bauer, ledig, sucht ..., ne contribuent pas aux quatre pour cent en question.
« Pourquoi l'État doit-il imposer à une chaîne de télévision privée de consacrer ses moyens à un film suisse plutôt qu'à une émission de divertissement à forte audience ? », demande par exemple l'Aargauer Zeitung, qui, comme la chaîne privée 3+, appartient à l'entreprise de médias CH Media.
En effet, un mélange de jeunes politiciennes et politiciens du centre et de représentants des chaînes privées a tenté de mener un débat de fond sur la question de savoir jusqu'où l'État peut intervenir dans les habitudes visuelles de la population suisse. Dans leur argumentaire, ils ont misé sur des mots-clés tels que « lobby du cinéma déjà privilégié » et « tutelle et quota obligatoire », et ont attisé la peur d'une suppression d'emplois auprès des chaînes privées. Les services de streaming ne feraient en fin de compte que répercuter les taxes sur leurs abonnés, sur les jeunes qui, pour couronner le tout, ne s'intéressent même pas à la création cinématographique suisse. Ce dernier point a été illustré par Matthias Müller, président du comité référendaire, dans l'émission Arena du 8 avril. Actuellement, selon Matthias Müller, Netflix proposerait environ dix pour cent de films et de séries suisses, mais seulement 0,4 % d'entre eux seraient vraiment utilisés.
Ici, les partisans ont riposté avec des arguments comme « plus de choix » et un « renforcement des productions suisses » et ont souligné la promotion des jeunes cinéastes. Ils ont également promis que les nouvelles productions créeraient non seulement plus d'emplois en Suisse, mais qu'elles amélioreraient également la qualité de ces productions. Cela susciterait à son tour l'intérêt d'un public plus jeune. Neumatt, Tschugger et Wolkenbruch en seraient la preuve. Et à l'étranger, où les taxes existent déjà, il n'y a encore jamais eu d'augmentation des prix des abonnements pour cette raison.
Mais surtout, l'État apporterait une correction attendue depuis longtemps à la loi suisse sur le cinéma, qui n'avait pas pu prévoir à l'époque le boom des services de streaming. L'État veillerait ainsi à ce que tout le monde soit sur un pied d'égalité.
Aujourd'hui déjà, l'industrie cinématographique suisse est soutenue à hauteur d'environ 100 à 120 millions de francs par an, comme l'indique le podcast de la SRF « Rendez-Vous » diffusé le 8 avril. La majeure partie de cette somme proviendrait de l'argent des impôts de l'État et des redevances de Serafe, ainsi que des taxes imposées par la loi aux chaînes privées nationales. Grâce à la Lex Netflix, la Confédération espère obtenir 18 millions de francs supplémentaires par an pour renforcer la place du cinéma en Suisse.
Le comité référendaire s'y est opposé de toutes ses forces. « Le fait que nous ayons obtenu plus de 40 pour cent de voix négatives contre la grande majorité du Parlement est un succès d'estime », déclare le président du comité référendaire Matthias Müller dans le Tagesanzeiger. Et cela n'a rien d'étonnant : le comité a d'abord réuni 50 000 signatures pour le référendum. Puis le PRD, qui avait initialement voté majoritairement « oui » au Parlement, s'est rallié au camp du « non ». Et puis, le comité a aussi réussi à mener un débat sur la liberté de consommation et la liberté économique.
Et pourtant... le « oui », finalement très clair, n'est pas une profession de foi patriotique en faveur de la création cinématographique suisse. Outre le taux se consommation misérable des productions de films et de séries suisses sur les services de streaming, les productions helvétiques ne sont guère demandées dans les cinémas. L'année dernière, selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), les films suisses représentaient à peine 4,3 % de l'offre. Et la tendance est à la baisse. Et ce, bien que plus de longs et de courts métrages suisses que jamais auparavant aient été produits. En revanche, les productions en provenance d'Europe représentaient 21,5 % et les productions américaines même 72 %. Le reste provenait d'autres pays et continents ; apparemment, les exploitantes et exploitants n'avaient pas confiance en leur propre industrie cinématographique.
Le manque d'intérêt se traduit aussi en nombre de visiteurs. En 2021, l'OFS a enregistré 5,4 millions d'entrées dans l'ensemble des cinémas suisses. Parallèlement, Statista a comptabilisé un total de 147 589 entrées en salles pour les dix films suisses les plus populaires de la même année ; le reste est négligeable. Cela représente une part de marché de seulement 2,7 %.
En termes simples : en 2021, quatre films sur 100 projetés étaient des productions cinématographiques suisses, mais moins de trois billets sur 100 ont été vendus pour aller les voir. Concrètement : l'offre était excédentaire.
Peut-être que l'espoir de voir de meilleures productions suisses de qualité se cache vraiment derrière le « oui ». Et si Netflix et Cie répercutaient effectivement les taxes sur leur clientèle, risquant encore plus d'ennuis, qu'est-ce que 4 % ?
Mais en fin de compte, c'est l'idée d'équité qui a sans doute été la plus déterminante. Même les opposants à la Lex Netflix n'ont jamais pu nier que les plateformes de streaming internationales et les chaînes de télévision étrangères gagnent beaucoup d'argent en Suisse sans payer d'impôts sur le revenu ou du moins sans créer de valeur ajoutée sous forme d'emplois. Le fait qu'au moins une petite partie du chiffre d'affaires reste en Suisse et soit réinvestie a semblé juste à la plupart des votants, qu'ils utilisent ou non l'offre.
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»