
En coulisse
Les jardins suspendus de Pendularis
par Pia Seidel
Les plantes Feey sont disponibles depuis peu sur Galaxus : j’ai visité l’entreprise, mis à l’épreuve ses botanistes et découvert pourquoi les plantes d’Uzwil vivent plus longtemps que celles des enseignes de bricolage et d’ameublement.
Des réfrigérateurs vides, des étagères abandonnées, de vieux néons et le logo décoloré de la Migros : c’est tout ce qu’il reste du supermarché qui occupait alors le centre d’Uzwil. Le site a été déserté pendant trois ans, devenant un lieu abandonné. Les plantes, ou plutôt Feey, colonisent désormais les surfaces abandonnées. La jardinerie en ligne la plus connue de Suisse s’est installée ici il y a cinq mois. Des milliers de plantes poussent et grimpent là où déambulaient les clients jusqu’en 2021.
Je franchis moi aussi la porte coulissante de l’ancienne entrée. Je ne suis pas venue seule, j’ai apporté les plantes souffreteuses de mes camarades de bureau. Pour Jil Claire Schulz, Head of Communications chez Feey, c’est un phénomène connu : « Beaucoup de personnes sont désemparées face à leurs plantes. Si elles les achètent dans des magasins de bricolage ou d’ameublement, elles reçoivent peu d’aide et sont vite dépassées. Au bout de quelques mois, les plantes meurent. C’est justement ce que nous voulons éviter. »
Pour me montrer comment ça marche, Jil Claire me guide à travers d’innombrables rayonnages. Chaque étagère est peuplée de spécimens d’une seule et même espèce. Ils sont arrosés et entretenus par des spécialistes des plantes selon leurs besoins. « C’est la grande différence avec les magasins de bricolage. Nous pouvons et voulons prendre le temps de soigner chaque plante en fonction de ses besoins individuels », explique Jil Claire.
Jil Claire s’arrête à une grande table. L’une des 35 membres du personnel est en train de sortir un yucca de son godet. La plante vient des Pays-Bas comme la majorité des plantes Feey et de celles de la concurrence. Feey se démarque en envoyant régulièrement une équipe sur place pour sélectionner la bonne exploitation horticole pour chaque type de plante. L’équipe contrôle aussi la qualité de chaque plante.
Lorsque les plantes arrivent à Uzwil, les membres du personnel contrôlent d’abord les racines. Si elles sont trop longues, on les raccourcit. Si elles sont trop courtes et faibles, la plante est éliminée. De nombreux plants peuvent sembler similaires à première vue, mais il existe de grandes différences de qualité. D’après Jil Claire, le secret se trouve dans les racines. « Seules les plantes qui ont eu assez de temps pour prendre racine et qui n’ont pas été “dopées” pour grandir poussent bien sur le long terme », explique-t-elle. Feey rempote toutes les plantes à la main et évite le substrat de coco en poudre fine qui est souvent utilisé. À la place, l’entreprise utilise son propre terreau.
Et ce terreau fait la différence. Jil Claire en prend une poignée dans le bac. Le substrat composé d’humus d’écorce, de fibres de bois, de cailloux et de compost riche en nutriments est friable et irrégulier. Il y a une bonne raison à cela : la texture hétérogène laisse mieux passer l’oxygène et l’eau. Les plantes sont ainsi moins susceptibles d’être noyées. Le surarrosage est en effet l’une des erreurs les plus fréquentes des propriétaires de plantes.
Pour Jil Claire, ce n’est guère étonnant. « Les plantes du magasin de bricolage sont vendues sans que l’on vous propose des conseils pour les choisir et les entretenir. La plupart des gens ne savent pas quelle espèce conviendra à leur logement et comment soigner leurs plantes. Les conseils d’entretien imprimés entretiennent souvent la confusion », affirme Jil Claire. Feey offre une assistance à plusieurs niveaux :
– le sélecteur de plantes : la plante qui vous convient vous est recommandée sur la base d’un questionnaire sur la luminosité, l’humidité, les animaux domestiques, etc. Feey donne aussi des conseils par visioconférence. – la réalité augmentée : les plantes souhaitées peuvent être projetées dans le salon avec un smartphone ou une tablette pour voir l’effet qu’elles auront dans la pièce. – le guide d’entretien : la plante est livrée avec un guide d’entretien facile à comprendre. – le dictionnaire des plantes : un dictionnaire en ligne fournit des informations supplémentaires sur les plantes. – les botanistes : des photos peuvent être envoyées à ces spécialistes en cas de maladies ou de parasites. Leur aide est gratuite.
Des douzaines de demandes sont adressées tous les jours aux botanistes. Ce jour-là, je viens avec neuf problèmes de plus. Je déballe les plantes de mes collègues et les pose sur la table d’opération. Les botanistes se penchent sur leur cas.
Debora a envoyé pas moins de six patientes. Le Goeppertia warscewiczii se recroqueville malgré des vaporisations régulières. Les feuilles de l’anthurium brunissent régulièrement. Et puis il y a encore les feuilles du monstera deliciosa qui jaunissent comme celles du lys de la paix « Spathiphyllum cochlearispathum ». Debora a récemment rempoté ce dernier, mais les feuilles restent désespérément recroquevillées. Le Dieffenbachia « Tropic Snow » a été rempoté il y a peu lui aussi. Mais ses racines refusent de croître et les nouvelles tiges sont constellées de taches marron sèches.
Qu’en pensent les spécialistes ? Jil Claire explique que les feuilles qui jaunissent peuvent avoir plusieurs causes. Si les feuilles jeunes commencent déjà à brunir, cela vaut la peine de jeter un œil aux racines. « Le terreau semble relativement compact et poussiéreux. Il s’agit probablement d’une masse homogène sans petites pierres, etc. Il faut sortir la plante de son pot et aller regarder ce qui se passe. Les racines beiges fermes peuvent rester, les racines noires et ramollies doivent être coupées. Il faut ensuite replanter dans un terreau perméable. »
Il est aussi recommandé de regarder les feuilles et surtout leur face inférieure, continue Jil Claire. Si les feuilles sont piquetées de jaune, la plante est peut-être attaquée par des araignées rouges. Ce sont de tout petits parasites que l’on a vite fait de confondre avec de la poussière. « Elles tissent de fines toiles, c’est ce qui permet de les repérer le plus facilement. » Un conseil purement esthétique : les feuilles entièrement marron peuvent être jetées. Elles ne reverdiront pas. »
Davide a envoyé deux patients en très mauvaise posture. Il ne reste que quelques brindilles desséchées de son monstera et d’un palmier qui n’est plus identifiable. Ont-elles une chance de survie ?
Le verdict des spécialistes est sans appel, c’est non. Les plantes très abîmées peuvent souvent encore être sauvées en les sortant de terre et en faisant des boutures avec les restes. « En revanche, si toutes les tiges sont marron et qu’il n’y a plus de vert nulle part, il est temps de dire adieu à votre plante et de la jeter à la poubelle verte », explique Jil Claire.
La plante ZZ de Davide est tout sauf zen. Autrefois bien fournie, elle perd de plus en plus de feuilles et sa couleur vert foncé. Les spécialistes ont deux conseils : plus de lumière et moins d’eau. Les plantes ZZ stockent beaucoup d’eau dans leurs grosses racines et requièrent donc peu d’attention. D’après Jil Claire, il faut éliminer les tiges ramollies, limiter strictement les apports en eau et placer la plante à un endroit où les feuilles peuvent voir le ciel bleu.
Une fois de plus on constate que les plantes exotiques hors du commun sont certes très belles, mais souvent trop exigeantes pour les novices. Et même parfois pour les pros. « De nouveaux cultivars apparaissent régulièrement, qui semblent fantastiques au premier regard. Nous testons les plantes et les laissons un moment chez nous. Il y en a toujours qu’il est impossible de faire s’épanouir. On dirait qu’elles ont été sélectionnées pour mourir. C’est pourquoi on ne les intègre pas à notre assortiment », raconte Jil Claire.
Mais il y a aussi des expériences heureuses. Pour faciliter l’entretien des plantes, qu’elles soient rares ou courantes, l’équipe développe actuellement sa propre ferme intérieure à Saint-Gall. Un tiers des plantes de la jardinerie en ligne provient déjà de cette ferme et cette proportion doit augmenter progressivement grâce aux plantes hydroponiques.
Jil Claire me montre une étagère avec un bac d’eau où sont alignés des philodendrons et des calathéas dans des pots contenants de petites billes marron. « L’argile expansée donne un support aux racines et avec un indicateur d’arrosage, l’entretien devient un jeu d’enfants. Il suffit de regarder l’indicateur pour savoir s’il faut arroser ou non », explique Jil Claire. Voilà qui augmente considérablement les chances de survie.
L’ancien magasin Migros à Uzwil a fourmillé d’activité pendant des décennies. Comme un vieil arbre, il a survécu aux pluies et aux sécheresses. Jil Claire souhaite que les plantes Feey connaissent aussi la longévité et que leurs pots ne deviennent jamais des friches. « Les plantes d’intérieur ne sont pas des bouquets qui se fanent. Ce ne sont pas des produits morts. Elles sont destinées à vivre et nous faisons tout pour. »
J’aime tout ce qui a quatre pattes et des racines. La lecture me permet de plonger dans les abîmes de l’être humain. Je déteste les montagnes : elles ne font que cacher la vue sur la mer. Quand j’ai besoin d’air frais, je vais le respirer au sommet d’un phare.