« Je ne sais pas quoi dire... » : comment trouver les bons mots quand vos proches sont en difficulté
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« Je ne sais pas quoi dire... » : comment trouver les bons mots quand vos proches sont en difficulté

Vous avez du mal à trouver les mots justes lorsque vos proches traversent une mauvaise période et vous vous retrouvez parfois à prendre vos distances au lieu de les réconforter ? Cet article est pour vous. Règle n° 1 : il n’est jamais trop tard pour se manifester.

On aimerait tous garder notre insouciance d’enfant. Mais quand un ami cher ou un proche subit un coup dur (perte d’emploi, séparation, maladie, décès d’un proche...), c’est à vous de les réconforter. Comme ce n’est pas toujours évident, j’en ai discuté avec Chris Paul, conférencière et experte du deuil et de l’accompagnement, auteure de nombreux livres sur le sujet. Parmi eux, Je vis avec mon chagrin et Pas peur des larmes (non traduits).

Je vis avec mon chagrin (Allemand, Chris Paul, 2021)
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Je vis avec mon chagrin

Allemand, Chris Paul, 2021

Je vis avec mon chagrin (Allemand, Chris Paul, 2021)
Guide
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Je vis avec mon chagrin

Allemand, Chris Paul, 2021

Madame Paul, y a-t-il une différence entre consoler pour la perte d’un être cher et consoler pour la perte d’un emploi ? Juge-t-on l’un comme plus ou moins grave que l’autre ?

Chris Paul : En effet, nous « jugeons » et émettons nos propres évaluations. Lorsqu’un évènement nous semble très grave, comme la perte d’un enfant par exemple, notre évaluation bloque nos propres pensées et actions. Le cas échéant, nous n’osons même pas offrir notre soutien. Ça vaut pour les décès, mais aussi pour les coups durs, comme les séparations. Par exemple, un mariage qui se brise au bout de 40 ans sera considéré comme plus « grave » qu’une relation qui se termine après 3 mois. Mais ces évaluations que nous formons dans notre tête peuvent s’avérer handicapantes.

Une fois que l’on a reconnu que ce système d’évaluation bloque nos interactions, comment en sortir et comment réussir à réconforter nos proches ?

Lors d’un décès, il y a beaucoup plus de possibilités d’apporter du réconfort. Ça commence par tous les rituels liés à la mort : assister à l’enterrement, puis se rendre sur la tombe ou s’en occuper. Ces rituels n’existent pas pour les séparations ou les maladies, mais il y a une attitude de base que l’on peut adopter pour toutes les mauvaises passes. On voit bien quand une personne est en détresse et qu’elle pourrait bénéficier de notre aide.

D’ailleurs, pourquoi avons-nous besoin du réconfort des autres ?

Demandons-nous plutôt si « réconfort » est le bon mot. Je pense qu’il vaut mieux parler de « soutien ». Nous sommes des créatures grégaires, génétiquement programmées pour être en contact avec les autres. Nous nous sentons plus en sécurité lorsque nous sommes avec d’autres personnes. Et c’est justement lorsque l’on vit une perte, que ce soit après un décès, une séparation, ou une maladie comme la démence, que quelque chose disparaît. Nous perdons cette personne qui nous est chère et qui faisait partie de notre quotidien.

Il s’agit donc d’éviter la solitude ?

Exactement. Nous sommes beaucoup à ne pas avoir vraiment besoin de réconfort, mais plutôt de proximité et d’attention de la part des autres. Ça ne sert à rien de vouloir consoler les autres de la meilleure manière possible ou avec des phrases intelligentes. Les gens ont besoin de proximité, de sympathie, d’amitié et de patience. Quand une personne traverse une crise, elle a besoin de savoir qu’elle ne va pas finir coupée du monde ou stigmatisée. Elle reste la même, à la seule différence qu’elle a momentanément besoin d’être traitée avec plus d’égards.

Je vais vous présenter deux exemples de ce qu’il ne faut, selon moi, pas faire. Premier exemple : je ne vois ma belle-sœur qu’une à deux fois par an. Lorsque sa mère est décédée, je ne l’ai pas appelée au téléphone, mais je lui ai envoyé une lettre de condoléances très « réfléchie ». Aujourd’hui encore, je me demande si c’était suffisant.

Oui, c’est bien possible. Ce que nous donnons à la personne dépend de la relation que nous entretenons avec elle. Pas besoin de fournir un immense soutien aux personnes avec qui nous n’avons qu’une relation superficielle et que nous ne voyons que rarement. Ce n’est d’ailleurs pas ce qui est attendu. Dans le cas de votre exemple, le fait que vous ayez envoyé à votre belle-sœur une carte de condoléances à laquelle vous avez beaucoup réfléchi et consacré du temps, ça peut être quelque chose de très précieux. Peut-être pourriez-vous lui envoyer une carte lors de l’anniversaire de la mort de sa mère. Les anniversaires sont très difficiles à vivre pour les personnes endeuillées.

Mon autre exemple : une ancienne amie d’école a vécu quelque chose de triste et m’en a informé par SMS. Je lui avais répondu en écrivant quelques mots de réconfort qui se terminaient par « Je t’appelle bientôt ». Et... je ne l’ai pas fait. Finalement, j’ai fini par ne jamais l’appeler parce que j’avais trop honte.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour se manifester. On peut dire que vous avez fait une gaffe en faisant une offre que vous n’étiez pas en mesure de tenir. Il aurait mieux valu envoyer un message du type « Je pense à toi ». Si vous faites partie des membres de la famille très proche, il est attendu que vous vous manifesterez de vous-même. Mais même si vous n’êtes pas très proche de la personne, rien ne vous empêche de lui envoyer régulièrement des SMS, cela lui fera très certainement plaisir. Prenons l’exemple d’une amie qui vient de se séparer. Vous pouvez lui écrire « Je pense à toi. Tu te rappelles quand nous sommes allées à l’exposition florale l’année dernière et que tu étais trop contente de voir des freesias ? ». Lorsqu’il s’agit d’une séparation, et non de la perte du partenaire suite à un décès, il ne faut surtout pas mentionner l’ex. Parlez plutôt de la relation que vous avez avec cette personne. Plus vous êtes proche d’elle, plus la personne attendra quelque chose d’individuel et qui pourra l’aider.

Mieux vaut donc oublier les formules toutes faites ?

En effet. Ces paroles creuses ont le don d’agacer les personnes en deuil. Ou pour quelqu’un qui est en chimiothérapie, par exemple, pas besoin de rédiger des discours d’encouragement. Préférez des messages à la première personne, comme « Je n’ai pas les mots, je m’inquiète pour toi ». Ou encore « J’ai peur pour toi. Je veux t’aider ». Vous pouvez aussi envoyer de jolies photos de choses touchantes ou belles, comme un ciel étoilé ou un coucher de soleil. Ou pourquoi pas un poème si la personne les apprécie. Quoiqu’il en soit, restez en contact.

Avez-vous des exemples de formules toutes faites ?

« Tu es si fort », « ça va aller », « tu vas t’en sortir », « tu dois aller de l’avant », « reprends-toi », « il faut que tu lâches prise », « rien n’arrive par hasard », « tu es encore si jeune »...

Tout ça semble très intrusif.

C’est le cas. Il n’y a qu’une seule de ces formules qui est considérée comme une convention sociale et qui est acceptable : lorsque l’on exprime ses « condoléances » à la mort d’une personne. Ce ne sont pas les mots qui comptent, mais la sympathie qu’ils expriment. « Mes sincères condoléances » est une façon de dire « J’ai appris ce qu’il s’est passé, ça me touche beaucoup. Je pense à toi ».

Faut-il systématiquement appeler ? Ou peut-on envoyer un message ?

Si vous avez l’habitude de communiquer par messages et que vous préférez tous les deux cette forme de communication, vous pouvez envoyer un message. Personnellement, je trouve que les messages vocaux sont aussi une bonne idée, parce qu’ils permettent de se rapprocher de son interlocuteur. Mais ne vous contentez pas d’envoyer des SMS, des messages vocaux ou des photos par peur d’une conversation en face à face. C’est à vous d’estimer ce qui convient à la situation. Une personne qui suit actuellement un traitement contre le cancer aura peut-être juste assez de forces pour échanger par SMS. Mais à un moment ou l’autre, il faudra sans doute passer un coup de fil ou envoyer une lettre.

En matière de communication, quelles sont les règles ?

Faites des propositions personnelles et claires : « J’aimerais bien te voir, je serai pas loin de chez toi demain. 17 h, ça t’irait ? » Les personnes qui traversent une période difficile sont souvent très fatiguées et ont beaucoup de choses à gérer. Il faut donc éviter tout ce qui est vague. Privilégiez les propositions concrètes et affectueuses. Vous pouvez également apporter des cadeaux, comme une soupe aux asperges. Ne soyez pas vexé si votre interlocuteur ne vous répond pas ou s’il refuse votre proposition. Votre amitié est capable de l’endurer. Et que ce soit par SMS ou en face à face, soyez vraiment à l’écoute de votre interlocuteur. Posez-lui des questions personnelles et parlez de vous. Par exemple : « Tu étais très en colère lors de notre dernière conversation. Comment te sens-tu aujourd’hui ? » La conversation doit se faire d’égal à égal.

Quelles sont les formules à éviter lorsque l’on essaie de réconforter quelqu’un ?

Tout ce qui veut forcer la bonne humeur, comme par exemple : « Allez, maintenant on sort faire la fête/dîner... » Tenter de proposer des solutions rapides s’avère rarement concluant. Soit votre ami acceptera à contrecœur, soit il refusera et vous serez vexé. Mais n’oubliez pas qu’il ne s’agit pas de vous ici.

Alors, comment bien agir ?

Si vous avez l’impression que votre ami/e en deuil s’enfonce dans la solitude, proposez des solutions concrètes tout en lui laissant le choix. Par exemple : « Je sais que tu aimes bien promener le chien. J’amènerai Max demain, tu pourras venir faire un tour avec nous si tu veux ». Votre proposition sera peut-être refusée, mais il se peut qu’elle réveille aussi quelque chose chez la personne endeuillée qui vous dira ce dont elle a vraiment besoin.

Vos exemples semblent si faciles. Moi, je ne trouve jamais les mots qu’il faut.

N’ayez pas peur, montrez-vous affectueuse et n’imposez rien. Votre vis-à-vis peut accepter vos propositions, mais il ne faut pas qu’elle s’inquiète de vos réactions. De nombreuses personnes endeuillées expliquent à quel point il est difficile pour elles de devoir réconforter leur entourage bouleversé.

Et si cet entourage est si bouleversé, c’est parce que nous ne sommes pas habitués à faire face au deuil, aux coups durs et à la mort ?

Tout à fait. Notre société est axée sur la performance et les objectifs. Tout ce qui a trait à une forme de faiblesse n’est pas bien vu, et nous manquons donc de codes sociaux pour y faire face. On ne les apprend pas à la maison, à l’école ou dans d’autres groupes. Bien sûr, les coups du sort font peur. Ils nous rappellent que nous y sommes tous vulnérables. Nous sommes très nombreux à préférer ne pas y penser. L’humain a des neurones miroirs qui lui permettent de refléter les sentiments de ses interlocuteurs. Lorsque nous côtoyons des personnes joyeuses, cela améliore notre humeur. Si nous nous occupons de choses tristes, notre humeur est moins bonne. Il est évident que l’on préfère tous faire un tour de manège et manger une glace plutôt qu’accompagner une personne au bord des larmes et du désespoir. Le deuil en tant que technique culturelle n’existe presque plus. Personnellement, je le considère plutôt comme performance culturelle le fait de décider d’offrir son temps à une personne parce qu’elle compte pour nous.

Photo d’en-tête : shutterstock

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Mareike Steger
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oliver.fischer@digitecgalaxus.ch

J'aurais pu devenir enseignante, mais je préfère apprendre plutôt qu'enseigner. Jour après jour, j'apprends grâce aux articles que je rédige. J'aime particulièrement les thème de la santé et de la psychologie.


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